ENTRETIEN DU MOIS : GUILLAUME LABBEZ
Novembre 2024 | Réinventer la réputation dans un monde en mutation : le retour d'expérience de Guillaume Labbez sur l'ICCO Global Summit 2024
Il y a quelques semaines, l’ICCO (International Communications and Consultancy Organisation) réunissait à Istanbul les acteurs internationaux autour d’un Global Summit sur le thème « Réputation. Pertinence. Relations. ». Notre administrateur et représentant ICCO, Guillaume Labbez (CommStrat), ainsi que notre déléguée générale, Anne-Mareille Dubois, y ont représenté la France. Découvrez notre entretien du mois avec Guillaume pour creuser les conclusions de ce sommet !
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- Guillaume, vous étiez à Istanbul pour représenter le SCRP et la France au Global Summit de l’ICCO. Quelles sont les principales conclusions à l’issue de ce sommet et des échanges qui ont eu lieu ?
C’est enrichissant de croiser les expériences entre ce que notre syndicat fait en France avec ce qui est développé au niveau global. C’est grâce à ce travail et cette coordination que le SCRP est devenu un pilier de l’ICCO, notre réseau mondial. A chaque sommet, je constate à quel point l’approche française de nos métiers intéresse nos confrères du monde entier.
Une présentation qui m’a marquée expliquait la volonté croissante des publics de s’engager et d’agir. Ils ne veulent plus être de simples spectateurs, ils veulent avoir un impact. En tant qu’agences, cela signifie que l’attention que nous aidons nos clients à capter doit se transformer en advocacy et en impact concret. Pour arriver à ça, nous devons être capables d’utiliser les tendances actuelles de manière intelligente.
Il ne s’agit pas seulement de surfer sur les trends, mais de comprendre profondément le moment culturel dans lequel nous évoluons. Beaucoup d’outils nous permettent aujourd’hui de savoir qui parle d’une marque ou d’un sujet, ce qui est une mine d’or. En immergeant nos campagnes dans ces tendances et en activant nos communautés, nous pouvons vraiment inciter à l’action et créer un mouvement autour de nos messages.
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- Vous évoquez l’activation et l’autonomisation des communautés. Comment ces concepts se traduisent-ils concrètement dans le travail quotidien d’une agence ?
Concrètement, cela signifie que nous devons créer des campagnes qui résonnent avec les valeurs et les aspirations de nos publics. Il ne suffit pas de communiquer un message unidirectionnel. Nous devons engager un dialogue, créer des espaces où les communautés de nos clients peuvent s’exprimer, partager leurs idées et se sentir partie prenante de la marque ou de la cause.
Par exemple, en utilisant les tendances actuelles, nous pouvons créer des contenus qui incitent les gens à partager, à commenter et à agir. L’objectif est de transformer nos publics en ambassadeurs. Cela nécessite une compréhension fine des plateformes sociales, des codes culturels et des mécanismes d’engagement. C’est un défi, mais c’est aussi ce qui rend notre métier passionnant.
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- Le futur des agences a été un autre sujet clé du sommet. Dans un contexte marqué par les fusions, acquisitions et l’intérêt croissant du private equity d’investir dans les RP, quelles sont les principales leçons que vous avez tirées sur l’évolution de notre marché ?
Une lame de fond impose aux agences une éthique très solide. : nous devons être exemplaires en interne pour être légitimes auprès de nos clients. Cela implique une gestion responsable, une attention particulière à l’ESG et une véritable bienveillance au sein de nos équipes.
Côté business et concentration du marché, un expert du M&A a souligné un point essentiel : pour que les acquisitions soient réussies, il doit y avoir une alchimie culturelle entre les agences. Ce n’est pas seulement une question de chiffres ou de parts de marché. Si les équipes ne partagent pas les mêmes valeurs ou la même vision, l’intégration sera quasiment impossible. L’intérêt du private equity peut être bénéfique à une agence mais seulement si c’est pour soutenir une stratégie de croissance externe cohérente. Mais encore une fois, cela doit se faire en respectant l’ADN de l’agence. Enfin, lorsqu’on évoquait la conjoncture, les discussions avec nos confrères me font penser que le secteur subit le ralentissement de l’économie européenne et que l’année 2024 ne sera pas une année faste.
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- Justement, sur le sujet de la diversité et de l’égalité homme-femme, le GWPR a présenté son Index 2024. Quels enseignements en avez-vous tirés ?
L’Index 2024 du GWPR a mis en lumière le rôle crucial que nous, en tant que dirigeants, devons jouer pour promouvoir l’égalité homme-femme dans notre secteur. Nous devons aller au-delà des paroles et mettre en place des mesures concrètes. En octobre, nous avons été invités à déclarer ce que nous faisons pour promouvoir l’égalité et à mesurer l’impact de nos actions.
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- L’intelligence artificielle a également été un sujet majeur abordé lors du sommet. Quels défis et opportunités identifiez-vous pour les agences conseil en relations publics dans ce domaine ?
L’IA est à la fois une formidable opportunité et un défi de taille. Elle peut être un véritable copilote pour nos équipes, en accélérant notre travail et en stimulant notre créativité. Par exemple, elle peut nous aider à analyser rapidement de grandes quantités de données, à identifier des tendances émergentes ou à personnaliser nos messages.
Cependant, il y a des enjeux importants en matière de sécurité, de protection des données et de droits d’auteur. Une étude a révélé que 66 % des agences utilisent des outils d’IA externes sans forcément maîtriser les standards de sécurité. C’est un risque majeur. Nous devons développer des politiques internes sur l’utilisation de l’IA, former nos équipes et investir dans des technologies sécurisées.
De plus, l’IA ne doit pas remplacer l’humain, mais le compléter. Notre valeur ajoutée réside dans notre capacité à interpréter les données, à comprendre les nuances culturelles et à établir des relations humaines. C’est en combinant l’IA avec notre expertise que nous pourrons vraiment monter dans la chaîne de valeur.
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- Lors de la keynote sur la prédiction du futur, les notions de « strategic thinking » et de « forecasting » ont été abordés. Comment intégrer ces approches dans une stratégie d’agence ?
Prévoir l’avenir est impossible, mais nous pouvons aider nos clients à naviguer dans un environnement en constante évolution, en leur fournissant des insights stratégiques pour prendre des décisions éclairées.
Une recherche de prédiction du futur est utile pour rester pertinent et anticiper les besoins de nos clients. Une méthodologie en plusieurs étapes a été proposée : d’abord, surveiller les tendances émergentes, en cartographiant leur progression à travers différents groupes sociaux. Ensuite, analyser de manière ouverte et identifier les signaux faibles pour prévoir les possibilités.
L’intuition joue un rôle clé, mais elle doit être soutenue par des données. C’est là que l’IA et les analyses prédictives entrent en jeu.
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- Selon vous, une intervention marquante a été celle d’une directrice de la communication ukrainienne, intitulée « Naviguer dans la tempête ». Quelles conclusions avez-vous tirées de son témoignage et comment cela influence-t-il votre vision du leadership en temps de crise ?
Ce témoignage a été un moment fort. Elle a partagé comment les entreprises ukrainiennes ont dû se réinventer face à des défis inimaginables. La leçon clé est qu’il faut accepter que le retour à la normale n’est pas possible. Au lieu de cela, il faut s’adapter, innover et trouver de nouvelles façons de créer de la valeur. Les clés du succès sont de garder son équipe soudée et chercher à être une partie de la solution plutôt que du problème.
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- Quelles sont les perspectives sur l’évolution du secteur des relations publics et les compétences clés que les agences doivent développer pour rester compétitives ?
Le secteur des relations publiques est en pleine mutation. Pour rester compétitives, mon opinion est que les agences doivent développer plusieurs compétences clés :
Tout d’abord, une maîtrise et une appropriation des nouvelles technologies, notamment l’IA, pour optimiser nos processus et offrir des solutions innovantes à nos clients. C’est clairement le travail du patron d’agence de piloter ce chantier.
Une compréhension approfondie des dynamiques culturelles et sociales est essentielle pour créer des campagnes qui résonnent authentiquement avec les publics. La capacité à anticiper les tendances et à penser stratégiquement sera un atout majeur.