ENTRETIEN DU MOIS : SANDRINE CORMARY
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Février 2025 | En ce début d'année, nous avons eu le plaisir de retrouver notre présidente, Sandrine Cormary, pour échanger sur les résultats de notre étude Flash menée auprès de nos membres sur leur bilan 2024 et les perspectives économiques pour 2025. À travers les commentaires de Sandrine, plongeons ensemble dans les enjeux qui façonneront cette nouvelle année. Préparez vos cafés pour cette belle lecture de 10 minutes !
- Le sondage montre une grande diversité dans les performances des agences en 2024, avec une répartition quasi équilibrée entre croissance, stagnation et baisse des honoraires. Quel regard portez-vous sur ces résultats et les tendances qu’ils révèlent ?
Ces résultats montrent un marché contrasté pour les agences conseil en relations publics en 2024. Déjà, un marché fragmenté indiquant que toutes les agences ne font pas face aux mêmes réalités économiques et stratégiques. Ensuite, des facteurs de croissance pour celles qui affichent une évolution a deux chiffes de leur marge brute (spécialisation, nouveaux services, innovation…) et des tendances structurelles ou conjoncturelles (pression économique et budgétaire sur les RP, montée en puissance des approches intégrées, concurrence accrue…) pour celles annonçant une stagnation ou baisse des honoraires.
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- Plus de 93 % des dirigeants estiment que leur activité sera impactée, au moins relativement, par le contexte politique, géopolitique ou économique. Quels sont, selon vous, les principaux défis qui pourraient affecter le secteur cette année ?
Nos clients prennent de plus en plus la parole dans les médias ces dernières semaines, exprimant leurs préoccupations face aux incertitudes majeures qui pèsent sur les entreprises françaises.
Sur le plan national, l’instabilité politique actuelle alimente un climat d’incertitude inédit :
- Une pression fiscale accrue et un manque de compétitivité à long terme.
- Des prélèvements obligatoires parmi les plus élevés d’Europe, accentuant le risque de délocalisation.
- Un coût de l’énergie élevé par rapport à d’autres pays, fragilisant certaines industries.
A I ’international, plusieurs facteurs viennent perturber l’équilibre économique des entreprises :
- La politique protectionniste des États-Unis, avec des droits de douane généralisés sur les importations américaines, augmentant les coûts pour les entreprises françaises.
- La remise en question des incitations pour les véhicules électriques, freinant la croissance de l’industrie verte.
- Une approche plus laxiste en matière de régulation de l’IA, soulevant des défis autour de la protection du consommateur et de la compétitivité européenne
Ces incertitudes économiques et réglementaires ont un effet direct sur nos clients, avec des répercussions potentielles sur la santé financière de nos agences à court et moyen-terme. Mais toute crise génère aussi son lot d’opportunités. Si l’incertitude domine, plusieurs signaux positifs émergent :
- Nos adhérents constatent une reprise d’activité au niveau local et un regain d’intérêt des marchés asiatiques sur le premier trimestre, avec de nouveaux clients qui n’auraient peut-être pas sollicité ces agences en temps normal.
- La communication de crise et les affaires publiques deviennent des leviers stratégiques majeurs, offrant aux agences l’opportunité de diversifier leurs services et de générer du revenu additionnel.
Comme l’a souligné l’un de nos adhérents lors de notre récent e-café, nous sommes dans une période « paradoxale », où l’instabilité coexiste avec un certain dynamisme. Les agences qui sauront s’adapter à ces nouvelles attentes et proposer des stratégies adaptées à ce contexte en tireront un avantage compétitif.
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- Près de la moitié des répondants se déclarent « assez confiants » quant à la croissance de leur entreprise en 2025, mais un tiers exprime une certaine inquiétude. Comment interprétez-vous cet équilibre entre optimisme et prudence ?
Face aux inquiétudes des entreprises, que nous relayons quotidiennement, je trouve encourageant de voir que notre marché reste globalement optimiste. Plus de la moitié des dirigeants d’agences abordent 2025 avec confiance, ce qui témoigne, selon moi, de la résilience et de la capacité d’adaptation de notre secteur.
Même en période d’incertitude, nos métiers jouent un rôle essentiel. Les entreprises ont plus que jamais besoin d’accompagnement pour analyser leur marché, structurer leurs relations avec les parties prenantes, renforcer la confiance et préserver leur réputation. C’est une responsabilité qui, à mon sens, nous place au cœur des décisions stratégiques des entreprises.
Je suis convaincue que cette reconnaissance doit nous encourager à aller encore plus loin : anticiper les évolutions du marché, proposer des solutions innovantes et continuer à démontrer la valeur ajoutée du conseil en relations publics face aux défis économiques et sociétaux à venir.
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- Si 30 % des dirigeants prévoient d’embaucher en 2025, une majorité se limite à des remplacements ou ne prévoit pas de recrutement. Qu’est-ce que cela dit sur l’évolution du marché du travail dans le secteur de la communication ?
Ces chiffres ont tendance à montrer un marché attentiste, entre prudence et transformation. La certaine frilosité des dirigeants à se limiter aux remplacements ou geler leurs recrutements traduit une prudence face aux incertitudes économiques dans un contexte où les budgets communication sont déjà sous pression. On privilégie des effectifs stabilisés plutôt qu’en expansion avec des recrutements ciblés sans prise de risque excessive.
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- Plus de 65 % des répondants envisagent d’adapter leur organisation du travail face à l’essor de l’IA générative. Selon vous, comment les agences doivent-elles aborder ces transformations pour rester compétitives ?
La bonne approche : intégrer l’IA de manière responsable, cartographier les cas d’usage et évaluer ce qui sera automatisé ou non, se doter de bonnes pratiques (politique interne, clauses dans les contrats, charte, transparence avec ses clients, audit de sécurité de l’infrastructure). Un nouveau contrat de confiance est en train de dessiner entre les agences et les clients.
Néanmoins, au cours des dernières 48h, l’administration Trump a effectué des annonces significatives en matière d’IA et de dérégulation. Cette dynamique contraste fortement avec l’approche européenne, davantage axée sur la régulation et la collaboration. Parmi ces annonces, l’abrogation d’un décret Biden de 2023 qui imposait des tests de sécurité avant la diffusion des modèles d’IA pour se libérer des contraintes réglementaires jugées excessives, conserver l’avance technologique des US et favoriser un environnement propice à l’investissement avec le secteur privé.
L’IA étant principalement dominé par des acteurs américains, le sujet de l’éthique et de la sécurité devient un sujet de premier plan qui incite à une approche mesurée et précautionneuse de l’intégration de l’IA.
Alors, IA : ami ou ennemi ? Au sein du SCRP, notre commission IA suit de près ces évolutions et leur impact sur notre secteur. À travers nos échanges réguliers et nos travaux, nous observons comment les agences intègrent ces nouvelles technologies et anticipons les transformations à venir. Il sera passionnant de mesurer l’évolution de l’adoption de l’IA dans les prochains mois et d’en tirer les enseignements pour notre profession.